Le carnet d'Agnès p. 2

C'est l'histoire d'un doux pinceau.
Un doux pinceau dans son pot
Un doux pinceau qui n'a rien de dodu
Un doux pinceau presque parfait vraiment
Parfaitement déposé dans son pot par une main fi fleur de peau Il est parfait mais il est oublié
Si on s'attarde fi sa touffe poilue droite on ne perçoit plus l'étendue L’étendue d'un enduit qui n'est plus
Si on s'attarde fi ce doux pinceau
On sait qu'il n'est plus l'inventeur de courbes qui se projettent sur un tableau qui n'existera plus
Si on s'attache fi ce petit pinceau on suppose qu'il ne dégouline plus de peinture ocre et noire de couleurs chaudes et froides
Il ne s'étire plus sur le papier il ne caresse plus la toile d'aucun artiste
On a un doux pinceau qui est attiré par un soleil improbable tel un tournesol au creux de son pot
Un doux pinceau solitaire abandonné fi l'éternité peut-être
Il y a bien la poussière qui s'empare de son manche usé et il y a l'éternité qui l'empêche de perdre tout son éclat
Il est bien occupé ce doux pinceau fi lutter contre l'obscurité Il s'étire jusqu'fi son dernier poil pour pallier fi sa solitude La gouache Sa Majesté l'a largué un jour de janvier
Balancé a été le doux pinceau
Amputé de sa moitié qui le faisait vibrer de créativité
Le doux pinceau s'est échoué un jour d'épiphanie au fond de ce vieux pot