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A La marinette

Espèces d'espaces

Avec le Cri de la Plume

Les textes écrits lors de l'atelier d'écriture créative
du 20 octobre 2022

où l'on écrit à la manière de Perec avec Nina..

C'était ma chambre, mais pas que... Je la partageais avec ma sœur, perchée sur le lit du dessus : c'était l'ainée, elle avait choisi. Quand on ouvrait la porte, le lit superposé barrait la vue. Sur le mur de gauche, un grand meuble blanc aux multiples portes réhaussé de petites boules rouges en guise de poignées. C'est mon papa qui l'avait fait, tout comme le lit ; au début petits lits jumeaux, transformés ensuite en superposés, pour gagner de la place et installer le piano.

Dans ce grand meuble, tout était bien partagé. La partie centrale : un placard en haut, un en bas (je crois qu'on y rangeait nos jeux de société) et, au milieu, des étagères. Sur les étagères, blanches dans la niche peinte en rouge, un tourne-disque, puis un peu plus tard, un poste à cassettes... Les disques... Mary Poppins, mon préféré, les cassettes, quelques livres d'enfants, un avec des illustrations qui me plaisaient beaucoup, en particulier cette petite mésange qui avait fait son nid dans la boîte aux lettres... Des aquarelles très fines et réalistes. Et puis, la collec' des ''Martine'', avec Patapouf, son petit chien.

De part et d'autre de la partie centrale, tout en symétrie : deux secrétaires (un chacune) avec au-dessus, un placard, et en dessous, trois tiroirs. Dans le placard de droite, mes habits. Dans le tiroir du dessus, mes chaussettes, culottes, pyjama... Le second, mes poupées. Le troisième, mes lego, avec la boîte aménagée en appartement tout confort, cloison en carton, déco en chute de papier peint, images en guise de tableau, petit meuble en lego avec porte qui s'ouvre, tiroirs qui coulissent... Rien à voir avec les décos sophistiquées d'aujourd'hui, mais quand même le grand luxe !

Et dans le secrétaire, un petit néon pour y voir clair sur mon univers. Une tâche bizarre sur le plateau témoigne d'une aventure peinture fuchsia aux pigments tenaces. À l'intérieur du secrétaire, une petite étagère où sont rangés crayons de couleur, feutres et peinture... et, en dessous en vrac, cahiers, papiers, album Sarah Kay et autocollants en double dans une petite boîte prête à l'échange.

Et là, sur ma chaise pliante, je suis prête à poursuivre ma correspondance avec Lucile qui est interne à Besançon et ne rentre qu'un weekend sur deux.

Cécile Dufraisse

Visite de ma chambre d’adolescente

 

C’est ma première chambre, à moi seule, sans ma petite sœur qui avait toujours partagé une chambre avec moi jusque-là, mon lieu intime depuis mes 12 ans. Au fur et à mesure du temps, elle a évolué dans la décoration des murs, de la composition faite en travaux manuels (une chenille en carton articulée), à une lithographe de tête de cheval, ou une danseuse en broderie, pour arriver aux posters de mes idoles (Maxime Le Forestier et Moustaki) ; mais le mobilier n’a pas changé ;

J’y écris, j’ai 15 ans.

Mon lit d’une personne au cadre de bois clair est derrière moi quand j’écris ; cela ne fait pas longtemps que j’ai le droit de m’allonger dessus la journée, pour rêvasser, lire, écouter de la musique. Maman a cessé de batailler et renoncé au-dessus de lit impeccable, sans pli, qu’elle a confectionné dans un tissu de couleurs vives avec du rouge et du bleu dur, à dessins géométriques.

Le papier peint lui est très fade et impersonnel, dans les tons de beige si je me souviens.

J’écris sur l’abattant du secrétaire, qu’on désignerait comme vintage aujourd’hui. Chaque fin d’après-midi, je l’ouvre pour y faire mes devoirs. De petits rayonnages à l’intérieur permettent de ranger livres, cahiers et trousse. Rien n’y est vraiment caché, juste la porte est rabattue la journée.

Après le repas du soir, quand chacun rejoint ses pénates, je rouvre l’abattant sans bruit, prends une feuille de copie double grand format, mon porte-plume et ma bouteille d’encre turquoise, et j’écris, j’écris avec ravissement, avec ardeur, avec recherche du mot le plus juste, de l’expression, de la référence littéraire appropriée aux sentiments ou aux émotions que je couche sur le papier.

C’est un jeu secret de missives échangées, auquel je me prête, dont mon frère est le coursier, entre moi et un jeune homme de sa classe, un pari, celui de conduire un échange de lettres pendant toute l’année scolaire entre un garçon et une fille qui ne se connaissent pas et qui renoncent à se croiser ou se parler la journée dans le lycée.

Quelle émotion et quelle saveur de se taire face à face la journée dans la cour du lycée et le soir venu quelle fièvre et quelle joie de se découvrir, se décrire, s’inventer par écrit, dans sa chambre, sous la pâle lumière de la lampe au fond du secrétaire.

Premier apprentissage de l’autre, toute ma vie dans ce carré de bois éclairé !

Chantal Mehay

Inventaire d’une cuisine

Un évier trop haut pour moi,

Des louches, des grosses cuillères dans un pot,

Des plaques à feu où casseroles et poêles font leur boulot,

Un four qui chauffe timidement,

Des petits dejs tranquilles en solitaire,

Un tiroir à couverts toujours en bazar,

Un tiroir à épices,

Un tiroir à torchons,

Des jolis moments avec les enfants,

Un frigidaire parfois vide. Aïe ! Il faut que j’aille faire des courses,

Une fenêtre. Coucou à mon voisin d’en face,

Une grande table qui attend les amis,

Une poubelle qu’il faut vider le jeudi soir,

Un plat de quenelle tout chaud par terre,

Une étagère où tupperwares, paquets de gâteaux, plaquettes de chocolat s’entassent et s’écroulent,

Une commode pleine de couleurs et de plats pour de bons petits plats,

Des repas solo-rapido, et des repas ado-concoctés,

Une cuisine qui me ressemble, je crois

 

Cécile A

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