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Métamorphoses des choses

jouer à la patmo

Avec l'ABC

association bourguignonne culturelle

Les textes écrits lors de l'atelier d'écriture créative du
1er octobre 2022

où l'on pastiche le Petit bidon de Christophe Tarkos

La Paire de baskets

 

C’est juste une paire de baskets.

Une paire de baskets dans l’entrée.

Une paire de baskets classique.

C’est juste une paire de baskets blanches.

Avec des lacets.

Posée dans l’entrée.

Avec des chaussettes humides en boule à côté.

C’est juste une paire de baskets.

Elle est posée. Elle ne fait rien.

Elle ne contient aucun pied.

Pas même les chaussettes qui sont en boules à côté.

Humides.

Et sales.

Mais à côté. Pas dans les baskets.

Elles sont seules, avec leurs lacets.

Elles ne bougent pas, ne marchent pas, ne courent pas, ne pratiquent aucun sport.

Elles sont juste posées.

Dans l’entrée.

Elles sont blanches et elles ont des lacets.

C’est tout et c’est assez.

Quand on regarde les baskets, on ne voit rien.

Simplement des baskets blanches, et des lacets, et des chaussettes sales, humides, mais qui ne sont pas dans les baskets

Mais à côté.

Il n’y a pas de vie.

Juste une paire de baskets.

Dans l’entrée.

Et dans les baskets, des bactéries.

Elles sont petites, discrètes, les bactéries.

Si on regarde les baskets, on ne les voit pas.

On dirait qu’elles ne sont pas là, les bactéries.

Et pourtant elles vivent.

Elles existent.

Elles se nourrissent, elles se développent, se reproduisent.

Elles s’installent dans tous les recoins des baskets.

Elles fondent un village troglodyte dans les anfractuosités du tissu et du plastique.

Elles creusent. Elles se logent.

Elles sont posées dans les baskets.

Les baskets qui sont posées.

Dans l’entrée.

Nous on ne voit que ça : la paire de baskets

Posée

Dans l’entrée

Mais dans les baskets

Posées

Dans l’entrée,

Ça s’agite.

Elles sont voraces les bactéries,

Elles veulent conquérir tout l’espace.

Certaines se glissent sous la semelle synthétique,

Elles colonisent les alvéoles de la base

Elles s’insinuent dans la mousse

D’autres grimpent le long de la tige et du contrefort

Elles plantent leurs tentes dans le tissu blanc

Un peu douteux, d’ailleurs, vu de près,

Des baskets,

Posées,

Dans l’entrée.

Elles ne font rien les baskets.

Elles sont inertes

À côté des chaussettes

Humides

Sales

Et en boule.

Mais dans les baskets

Inertes,

Ça chahute,

Ça cahute,

Les bactéries prolifèrent

Elles s’organisent

Par ethnies.

Celles qui des verrues plantaires sont la cause

Refusent de voisiner avec les pourvoyeuses de mycoses.

Chacune son quartier :

Les bactéries sont bien organisées

Dans la paire de baskets

Posée

Inerte

Dans l’entrée.

Elle ne laisse rien paraître

La paire de baskets.

Elle demeure stoïque

Elle ne tremble pas d’un lacet

Elle ne frémit pas d’un œillet

Elle se tient bravement

Fièrement

À sa place désignée

Dans l’entrée

Avec les chaussettes à côté

Humides, en boules

Et un peu sales qui plus est.

Elle ne bouge pas

Elle reste debout

Pleine de bactéries

Mais solide

Et blanche

Bien qu’un peu douteuse si on y regarde de près

Avec des lacets

On peut compter sur cette paire de baskets

Posée

Dans l’entrée

Elle sera là pour la prochaine sortie

On pourra l’enfiler

Avec des chaussettes

Humides, et un peu sales

Elle ne va pas broncher

Elle nous emmènera promener

C’est vraiment une brave paire de baskets

Qui est posée

Là, dans l’entrée

Avec ses lacets.

Merci la paire de baskets

Merci la paire de baskets.

Hélène Jacques

Le Rêveur

 

Il y a un rêveur

Ou une rêveuse,

C’est selon.

Ça n’a pas d’importance

Ce qui compte, ce n’est pas la couleur de la boîte à rêves

C’est la faculté d’imagination

Donc, il y a un rêveur

Ou une rêveuse,

C’est selon.

Il est là, mais il n’y est pas

Pas vraiment

Pas complètement.

On le voit le rêveur

Il est assis

On le voit

Mais il ne nous voit pas

C’est normal

C’est un rêveur

Ou une rêveuse

C’est selon.

Il est là parce qu’on le voit

Mais il n’y est pas puisqu’il ne nous voit pas

Pourtant il voit

Le rêveur

Ou la rêveuse

Mais il voit autre chose

Autre chose que l’on ne voit pas

Il a l’air d’être là

On le regarde

Il a des yeux

Des yeux sur un visage

Un visage sur une tête

Une tête de rêveur

Ou de rêveuse

C’est selon

Ça paraît normal

Ça paraît comme nous

Normalement

C’est normal quand c’est comme nous

Mais le rêveur

Ou la rêveuse

Est comme nous mais pas pareil

Dedans

Dans sa tête avec un visage

Un visage avec des yeux

Dans la tête du rêveur

Ou de la rêveuse

C’est plein de rêves

Ça ne fait pas de bruit

On pourrait ne s’apercevoir de rien

Ça n’est pas tellement gênant un rêve

C’est fait d’idées, de nuages, d’émotions et d’imagination

Ça ne fait pas de bruit les idées, les nuages, les émotions et l’imagination

Ça ne dérange personnes

Ça ne dérange pas le rêveur

Ou la rêveuse

C’est selon

Ça existe juste, tout en discrétion

Ça fabrique des images pour mettre devant les yeux du rêveur,

Ou de la rêveuse.

Dans la boîte à rêves du rêveur

Ou de la rêveuse

Ça fabrique toute la journée

Il y a beaucoup d’activité

Dans la boîte à rêves

Ça fabrique

Mais sans bouger

Sans agitation.

Le rêveur d’ailleurs est calme

Il ne ressent aucune douleur

Il sait que ça vit et que ça fabrique à l’intérieur

Dans sa boîte à rêves

Mais ça ne le gêne pas.

Au contraire

Il aime bien ça.

Il est calme le rêveur

Ou a rêveuse,

C’est selon.

Avec ses yeux

Sur son visage

Sur sa tête

Il peut voir les rêves

Les rêves en idées, en nuages, en émotions et en imagination

Il peut voir les rêves avec les yeux fermés

Et il peut même les voir avec les yeux ouverts

Il a de la chance le rêveur

Il peut voir avec les yeux ouverts

Pourtant quand on le regarde

C’est juste un rêveur

Normal

Mais peut-être un peu moins normal que nous finalement

Puisqu’il a des rêves en idées, en nuages, en émotions et en imagination dans sa boîte à rêves.

Il les garde au chaud ses rêves

Derrière ses yeux

Ses yeux dans son visage

Son visage sur sa tête

Sa tête qui est une boîte à rêves.

Il a de la chance d’avoir des rêves

Le rêveur

Ou la rêveuse.

Parfois il en partage un morceau avec ses yeux

Ses yeux qui voient même quand ils sont ouverts

On a de la chance de le connaître le rêveur,

Ou la rêveuse,

C’est selon.

Merci de rêver le rêveur ...

Merci de rêver la rêveuse ...

Hélène Jacques

Le presse-ail

 

On a un presse-ail.

Dans le tiroir, celui du milieu dans le buffet de cuisine.

Il est avec les tire-bouchons.

Il est unique.

A sa place, bien rangé dans le tiroir.

Au dessus de lui, sur le buffet le casse-noix et noisettes.

Deux branches mais pas le même usage.

Le casse-noix est en inox.

Pas le presse-ail.

Il n'a pas d'âge, personne ne sait.

Les années cinquante ou avant.

Il est là car utile voire indispensable.

Simple et efficace.

Il attend sagement.

Des fois il attend dans l'égouttoir.

Il sèche après un lavage à l'eau et le passage de brosse pour nettoyer les alvéoles.

La maîtresse de maison sait que s'il n'est pas dans le tiroir, il est dans l'égouttoir.

Gare à celui qui ne le remettrait pas à sa place.

Le presse-ail attend dans le tiroir qu'on ait besoin de lui.

Il presse le temps.

Il est gris, gris souris.

Deux manches, une chambre.

Il accompagne peut-être la troisième ou quatrième génération.

Il attend son heure.

Quand il est l'heure.

Il sort du tiroir.

Il s'ouvre.

Il ouvre une gueule.

Comme pour dévorer ses proies.

Ails dégermées bien sûr.

Il écrase.

Il broie.

Elles résistent puis cèdent.

Il en tire une grande satisfaction.

Il a extrudé cette chair ferme.

On passe une lame fine sur les alvéoles pour finir proprement le travail.

On ouvre, avec la pointe du couteau fin, on retire les membranes qu'on jette dans le poêle.

Ne rien perdre.

Il est content.

Il a bien travaillé.

Il est encore solide.

Il est capable, bon pour le service.

Il rend service.

Il ne se rend pas compte qu'il est précieux.

Qu'il est indispensable à la cuisinière.

Indispensable à la confection de plats goûteux.

Merci le presse-ail,

et n'écoute pas les critiques.

Claudine Delestre

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François Clairgeon

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