A La marinette
De mots en mets
Avec le Cri de la Plume
Les textes écrits lors de l'atelier d'écriture créative
du 8 décembre 2022
où l'on écrit des menus rêvés, mêlés à nos souvenirs...
où l'on s'inspire d'un texte de Bauby...
Le melon et les huitres, enfant je n’aimais pas ! Par contre le chausson-aux-pommes et la banane achetés dans la camionnette du Père Léger qui klaxonnait devant la grille de la maison, j’y avais droit un jeudi sur deux en alternance ; j’étais gâtée et même aimée par ma maman qui m’offrait cela. Pour moi c’était un présent merveilleux et privilégié qui me régalait. A cette époque de mon enfance j’avais un appétit de moineau. Mon estomac se contentait de peu, même je pouvais l’oublier sans souci. Je n’ai jamais été affamée ni boulimique pourtant je suis devenue gourmande, très gourmande. Je suis très bec sucré. Ce qui me sauve, c’est que j’aime le bon et préfère rien plutôt que le mitigé.
Sûr, l’oeuf à la coque, quel enfant n’en raffole pas ? Le Roquefort, je n’ai jamais aimé ça, encore maintenant je n’en achète jamais. Il peut m’arriver d’y goûter mais je le laisse volontiers aux fanas. Il sent trop la terre, le moisi, la cave, le charbon.
Evidemment le gibier préparé par Tintin au milieu de la Sologne était irrésistible. Il mijotait le sanglier bien mariné avec des marrons qui pourtant étaient les légumes de Noël par excellence. Quand je prenais la route pour La Ferté St Aubain le plaisir me chatouillait les papilles par avance ! Je savais qu’il cuisinait pour moi, comme lorsqu’on est enfant et que l’on a qu’à se mettre les pieds sous la table et que la maman nourricière donne la vie par ce deuxième biais. Le plaisir anticipé de retrouver cet ami solognot c’était l’assurance de ce cadeau nourricier primaire, et puis on rigolait bien, on buvait bien. C’était la fête, la joie de se retrouver, d’exister l’un pour l’autre ; on partageait ce qu’on aimait de la vie avec tout l’à-côté à ne pas négliger : le repas, la nourriture, et la nature tout autour. Les forêts de sapins, les étangs, la chasse, les sentiers d’agrainage…
Ça chauffait, la tête me tournait, c’était bon, on s'en taillait une bonne tranche : c’était une farandole de gâteries et d’amitié, une salade de réjouissances, une marmelade de rires…
Je garde toutes les saveurs de ces échanges avec un brin de nostalgie comme l’acidulé en bouche qui rend les yeux brillants.
Tchin-tchin, Tintin !
Thérèse
Pastèque et compagnie
Le soleil pombe déjà la terrasse et il n’est que 10 heures - mais 10 heures espagnoles ! Si c’était dans le Jura cela ferait 10 heures dans le brouillard mais on n’est pas dans le Jura que diable ! Ou avec un bon morceau de Comté de 12 ans d’âge et un verre de SAVAGNIN …Faudrait choisir …
Si j’étais nostalgique, je dirais que c’était mes meilleures vacances : chaleur intense, mer translucide, amis déjà bronzés avec leur maillot sous le short, les rires et les moqueries sur la blancheur de peau de gens du Nord.
Alain, mon frère, est déjà parti chercher des oursins et des arapèdes avec son opinel, Papa broie le pain de glace acheté au marchand ambulant et y rajoute du citron, du sucre pour le sorbet dominical.
André et Raymond le relaient. Mémé croque des pistaches. André a déjà attaqué sa deuxième anisette et rigole sans arrêt et André lui propose des cacahuètes « pour faire passer ». Quoi en fait ? Le bonheur d’être encore en vie ? Mais le bonheur doit s’éterniser, nous happer tout entier après « ces Evènements »
Papa a préparé des poivrons grillés macérés dans de l’huile d’olive et des morceaux d’ail. Maman a fait cuire ses rougets sur le Kanoun. J’ai mis pour la première fois mon maillot de bain deux pièces et je me trémousse comme Brigitte BARDOT.
Pépé René se fait une tâche sur sa chemise blanche et tout le monde rit.
Le couscous arrive : grains fins et mélange de courgettes, pois chiches, carottes, cumin qui se mélangent avec l’agneau.
Alain dépose un scarabée sur ma jambe et je hurle. « Quelle mauviette, celle -là ! » dit André qui est entrain de reprendre une bonne louche de couscous « Mais t’en as pas assez là, t’es déjà assez gros comme ça ! » réplique sa femme.
Les makrouds et les cornes gazelle viennent alors nous narguer, on n’en peut plus mais on ne peut refuser, c’est tata Jeanine qui les a faits hier.
Heureusement que la tranche de pastèque si rouge et juteuse amortira le trop plein de ce repas et je me ferais un collier avec les graines.
En deux temps et trois mouvements tout le monde s’est engouffré pour aller faire la sieste, on entend déjà les ronflements et Alain a mis sa montre car ON A DEUX HEURES avant d’aller se baigner et la mer nous nargue !
Je prends ma revue LILI et court dans ma chambre.
Vivement dimanche prochain.
Annie GRAULE
On pourrait croire facile de se remémorer le passé au regard des mets qui ont accompagné les différentes périodes de notre vie, les banquets qui ont marqué les évènements majeurs ou les instants culinaires autour d’une rencontre ;
Mais non, il faut faire une pause, fermer les yeux, attendre le silence, remonter le temps, redessiner les lieux et enfin commencer à sentir quelque odeur.
En famille, je me souviens de la purée de pommes de terre que préparait Maman.
Poser la feuille de journal sur la table de la cuisine,
Aller chercher les pommes de terre dans la remise,
Eplucher chaque pomme de terre au couteau éplucheur sans oublier de retirer ici l’œil, ou creuser là une tâche noire,
Laver les tubercules plusieurs fois dans la bassine,
Les plonger dans une casserole remplie d’eau,
Faire frémir et surveiller le feu,
Les piquer de temps en temps pour contrôler la cuisson.
Sortir le moulin à légumes,
Le poser sur un grand plat creux,
Extraire les pommes de terre de l’eau à l’aide de l’écumoire,
Remplir le moulin, assez mais sans trop,
Tourner la manivelle,
Voir les filaments de purée s’écraser les uns sur les autres,
Râper la grille en dessous avec une cuillère pour récupérer la chair restée attachée.
Prendre le litre de lait
Délayer doucement sur les pommes de terre pour faire prendre la purée, qui enfle, prend consistance, qui devient jaune clair.
Un peu de sel, un peu de poivre et enfin un bon morceau de beurre.
« Maman, je peux goûter ? »
Y mettre vite le doigt et avaler cette larme de purée divine, une seconde pure de bonheur.
Menu de communion, menu de fiançailles, menu de réveillon, menu d’anniversaire…, j’ai oublié, ou je confonds ce qui composait alors les agapes familiales, mais qu’importe vraiment la chère quand les chers y sont ?
Aujourd’hui, sans chercher, c’est l’odeur et c’est le goût des pains perdus que faisait ma grand-mère qui me reste vraiment en mémoire.
Je revois les tranches de pain rassis trempées dans du lait, passées dans de l’œuf battu, roulées dans le fromage râpé que Grand-Mère déposait dans la poêle grésillante qui chauffait sur la cuisinière.
La cuisine fumait et s’emplissait d’une bonne odeur de fromage. Grand-Mère s’affairait, prenait chaud, nous les enfants, on tournait autour d’elle, impatients de croquer ces fameux pains.
Heureux, quand, enfin, elle disait : « allez, à table et mangez moi bien tout ! »
Chantal Mehay
Sur le thème de "Mots en mets" poème de R.QUENEAU
1. liste "à la Prévert"
une salade de fruits, fraîche et multicolore
le pain d'épices de ma maman
une soupe, bonne mais inattendue
des légumes inconnus préparés avec beaucoup d'épices
du poisson frais, grillé au bord de la plage, servi dans des grandes feuilles de palmier
du pain croustillant, encore tiède, avec beaucoup de graines, sur lequel le beurre fond tranquillement
2. Un repas dans ma cuisine
Pour commencer la cuisine m'inspire particulièrement si je suis dedans, mais ce pourrait être aussi à côté, c'est-à-dire à observer un grand chef qui fait virevolter les casseroles, et commente d'histoires et explications qui vont rendre sa réalisation plus alléchante encore ; reconnaissons que la situation ne s'est pas souvent produite dans mon existence !
Donc, si je cuisine, mon plus grand plaisir est de ne pas opérer seule mais avec un de mes enfants, pour la réalisation en équipe et les échanges, chacun y va de sa suggestion et de sa petite touche personnelle, et la dégustation est bien plus interactive ensuite !
Nous allons commencer une soupe de légumes, un classique et authentique, mais dans un mariage revisité, sans pommes de terre pour qu'il soit léger, cela pourrait être avec des courges blondes, quelques pois cassés, un blanc de poireaux et relevé de sel aux algues marines ; tout cela mixé très fin afin d'envelopper le palais dans une caresse douce et longue. Puis poursuivons avec de belles noix de Saint Jacques snackées dans un beurre clarifié, dorées et fondantes, déglacées avec un jus d'orange, et servies avec des endives cuites à l'étouffée, pleines de douceur, de rondeur, de chaleur. Puis nous allons nous transporter sur une plage de sable fin, balayée par une très légère brise et sous un ciel bleu sans faille, bercée par le discret clapotis d'une mer tranquille (c’est très loin de ma cuisine) ; sur des braises grille tranquillement un barracuda fraichement pêché, exhalant tous les arômes de la mer qui l'a baigné. Notre hôte l'aura accommodé d'herbes locales, parfumées et finement ciselées, qui souligneront la finesse de la chair du poisson tout en apportant des saveurs végétales.
Nous finirons par un dessert léger, une salade de fruits frais, multicolore. Evidemment je l'accompagnerai d'un biscuit, pourquoi pas le fondant pain d'épices à la farine de châtaignes, aux couleurs ambrées et saveurs multiples, selon la recette de ma mère ?
Mais je garde le meilleur pour la fin, car il peut accompagner tous les plats ! ...une tranche d’un pain tiède et croustillant, à la mie généreuse, sur laquelle on peut étaler quelques morceaux de beurre salé ; goûter de mon enfance, de mon adolescence, de ma vie d'adulte, que j'accompagne selon l'humeur, de chocolat noir amer, de marmelade de mirabelles ou simplement solo !
Frédérique Vautier