Futurs désirables
ou pas...
Les textes écrits lors de l'atelier d'écriture créative du
lundi 27 février
Avec l'Atheneum, centre culturel de l'Université de Bourgogne
où il est question du futur, désirable, ou pas... et où l'on s'appuie sur les procédés d'écriture de Damasio, notamment à partir de son roman, Les furtifs...
Nous sommes en 2044, j’ai 64 ans et il me reste 16 ans à travailler. Je n’aime pas travailler, je n’ai jamais aimé travailler. Je n’aime pas me lever, je n’aime pas obéir, je n’aime pas mes collègues.
Il y a 4 ans, j’ai testé la pilule du bonheur, elle devait me faire apprécier mes journées de travail et mes collègues. Sceptique, j’ai décidé de prendre double dose et j’ai passé une année à ne plus pouvoir dormir – ce qui évitait certes les réveils douloureux- mais j’étais tellement investie que j’ai pris la place de ma cheffe, j’ai fait gagner deux années de rendement à la boite, j’organisais et fêtais les anniversaires de toutes mes collègues.
Quand l’effet de la pilule se dissipa enfin, la descente a été terrible : on attendait de moi une productivité dont j’étais incapable, on me demandait d’animer des réunions que je trouvais inutiles, mes collègues pensaient être mes amies alors que je ne trouvais aucun intérêt à échanger avec elles.
Autant dire que depuis 3 ans, ma vie était pire qu’avant la prise de ces pilules pas miracles du tout.
Cependant, il y a 2 mois, j’ai passé le cap, je me suis faite greffer la Machine à Stop. Elle se voit à peine, elle est implantée au niveau de mon épaule, et je n’ai qu’à appuyer discrètement pour qu’elle se déclenche et stoppe tout. Rien à voir à voir avec les bonbons Stoptou qui eux ne stoppaient rien, la Machine à Stop arrête la vie le temps d’un moment indésirable.
Les médecins m’ont dit de ne pas en abuser, les premiers jours je l’ai donc utilisée uniquement pour les réunions : une tape sur l’épaule faisait passer une heure en une minute, je gagnais donc plusieurs heures par semaine.
Puis un clic furtif dès qu’une collègue me racontait sa soirée devant « Joséphine Ange-Gardien » me transportait un quart d’heure plus tard. Je m’évitais alors des quarts d’heures et des quarts d’heures de conneries chaque jour.
Dorénavant, j’avoue que j’utilise la fonction rotative dès le réveil qui me permet d’être directement propulsée à 16h30, heure de la liberté, des activités, du shopping, heure de la vraie vie !
Je ne vieillis pas plus vite même si mes journées durent 15h au lieu de 24, je ne profite que des meilleurs moments d’une journée.
J’ai 64 ans et si j’avais su, je me serais faite greffer la Machine à Stop dès sa sortie en 2023, même si c’était expérimental à cette époque et beaucoup décrié.
Mais qui aurait pu imaginer pouvoir mener une vie de retraitée à seulement 64 ans ?! Quelle avancée !!
Véka
Le pendentif de l’espoir.
Déambuler était la chose que je préférais. Sortir de ce qui s’apparentait à notre chez-nous et gagner la tranquillité des rues.
Il n’y avait personne. Comme chaque jour à vrai dire, depuis qu’ils sont partis au front.
Le brouhaha des enseignes, les passants et visiteurs avaient disparu aussi.
Papa me manque encore, mais heureusement il m’a offert ce petit bijou, un pendentif - pour être exact - pour que je puisse enfermer ces si doux moments passés avec lui à l’intérieur.
Depuis qu’il me l’a donné, je ne peux m’en séparer. Cette petite perle de mémoire est tout pour moi. Elle est mon esprit, ma vague d’espoir que je ne devais perdre.
Papa va revenir. Il me l’avait promis. Il le devait.
En passant ma main dessus, je pouvais presque sentir sa chaleur s’évanouir dans ma paume lorsque son sourire s’illuminait. Il était si ravissant que je pouvais passer des heures à rester là, marcher en ville en quête de cette plénitude que ce petit objet pouvait me donner. Il me permettait de m’évader de cette si sombre réalité pendant quelques instants.
Ici, toutes les personnes qui sont restées avaient la possibilité d’en obtenir un.
Mais en avions-nous tous réellement l’envie ? Pour ma part, mon choix avait été vite fait. Sans cela je n’aurais jamais pu résister aux maux du monde...
Thomas Silverwolf
Proposition 1
Le temps tremble tant qu’il tend Le temps semble à ses dépends Il se fend et se défend
Défends mon temps qui tremble et semble se tendre Défais mon flair qui fait, facile, le fier
Détends mon temps qui tremble et semble se défendre Défais le fier qui, facile, fait fuir mon flair
Le temps tremble tant qu’il pend Le temps semble tout pendu
A mon flair qui vacille, facile, sous le vent fendu
Proposition 2 (Tremblez troufions)
Je marche dans l’avenue de la vie, avenue principale de la ville, actuellement sans un bruit. Je vérifie que ma ceinturfion est bien accrochée autour de ma taille. Aïe, juste à temps.
En face, je n’ai pas vu l’homme arriver, il commence son bien connu « ça va bé… », il n’a pas le temps d’y ajouter le deuxième « bé » que ma ceinturfion se déplie et lui fait un croche-pied.
Il se relève et et reprend l’avenue de la vie sans plus émettre aucun bruit.
Le temps est sans nuage, un temps de début d’été. Le ciel s’assombrit, déjà vient la nuit.
Je quitte l’avenue de la vie pour prendre la petite rue sans la vie. Ici, je sais que mon parcours se complique. Mes sens sont aux aguets.
Derrière, j’entends un bruit. Un début de sifflement se fait entendre mais ma ceinturfion a déjà réagi. En face, un groupe de mecs se dirige dans ma direction. Lorsqu’ils arrivent à ma hauteur, je vois une main s’approcher de moi. La ceinturfion s’enroule directement autour de ses deux bras.
Bientôt, ils n’oseront plus rien.
Si l’éducation a failli, voici maintenant le temps béni, le temps de la ceinturfion. Tremblez troufions !
Anouk