A La marinette
Pas sages
Avec le Cri de la Plume
Les textes écrits lors de l'atelier d'écriture créative
du 23 mars 2023
où l'on défie les lois spatio-temporelles en écrivant à la manière de Jean Echenoz dans Cherokee...
Traversée des lieux
Dans la sacristie, les grands tiroirs fins sont fermés et l’armoire abrite le vin blanc, le vin de messe. Il est vain d’y penser, c’est vilain d’aller fumer derrière l’église baroque comme le coq.
Le passe-muraille déraille et se retrouve à la cave. Ça sent le charbon noir, les pommes fanées et fripées, et l’humidité indignée. Si je remonte l’escalier oublié, je continue la montée jusqu’au grenier, mais pas d’un seul coup puisque la colère m’a prise au milieu de l’envolée sans pouvoir l’exprimer que par les pleurs.
Trois petits tours et puis s’en vont au poulailler. Les poules sont bon public pour écouter le chant de ma sœur. Au fond des niches à lapins, je me suis toujours demandée comment y attrapait-on la grippe ? Ma mère attrapait bien les lapins par les oreilles pour les pendre par les pattes arrières et les saigner à la gorge. Pour oublier cela je courais au portique et faisais le cochon pendu au trapèze sans qu’on me coupe le cou. Du coup je prenais mes jambes à mon cou jusqu’au lavoir, mais la mare n’était pas gelée pour patiner. Chemin faisant l’allée de buis annonçait le jardin potager. C’est le puits à la frontière de notre domaine qui délimitait l’aventure en solo.
Tric-trac entracte La branche incurvée au lieu-dit “Le grand opéra” servait de balançoire.
Le passe-muraille braille : “Allons dans le clocher taquiner les cloches, changer l’heure de l’angélus, dare-dare avant qu’arrivent le curé et le cantonnier. Pour finir au cimetière, nous redistribuons les souvenirs et fleurs pour que les oubliés soient réconfortés. La lecture des noms évoque ou non des histoires et des descendances …dansent dansent petites filles amusantes, petites filles abusantes, refusant l’injustice et l’inégalité.
Aux armes petites écolières, dans la classe désertée je dois remplir les encriers, impossible de ne pas en mettre à côté.
Punitions, réprimandes, piquet, au coin! Coin-coin Ils sont tous bêtes dans cette basse-cour d’école. Même Rémi a perdu la boule et Simone lui court après. Après, après, le passe-muraille s’envole pour l’ Amérique, il ferme boutique. Tout devient antique et mystique.
Qu’est-ce-que le passage du Styx ?
Je ne veux pas y aller Maman. Mais si ma fille, tu n’as pas le choix, sois brave et tais-toi. Tes doigts t’aideront et tes droits te défendront. Tiens-toi droite, adroite tu seras, la caravane passe , les chiens aboient.
A boire c’est ce qu’il nous faut !
Faux-cul
Faucille
Fauvette
Faut y aller !
Thérèse
Passage
La chaleur est étouffante. Je regarde hagarde cet homme, cet homme hurlant de douleurs, hurlant d’avoir perdu son fils, son bébé, son Alexandre. Mort subite du nourrisson, retrouvé dans son lit, dans sa chambre où la pénombre m’a prévenu, plus de souffle !
Petit à petit, j’avance…
Un drôle de serpent rouge, un serpent de plastique qu’un architecte des années 70 à juger bon de laisser aux corps des enfants grimpant, sautant. Des enfants qui grandissent dans cette ville nouvelle, cette ville pour laquelle on a rasé forêts de chênes, champs de blé, mares à grenouilles.
Petit à petit, j’avance…
Des comédiens, des danseurs, amateurs, professionnels, jouent, rient, essayent. Un grand hangar à locomotives, un grand hangar désaffecté, plus de 300 mètres… Il accueille leurs jeux. « Le Plus bel âge de la vie », Hervé et Jacques, ces passionnés, ces inventeurs de théâtre, à la manœuvre.
Petit à petit, j’avance…
Passage sur un pont, un pont d’autoroute surplombe la Bourgogne. La Bourgogne belle, vallonnée, accueillante. Elle me fait de l’œil comme si elle savait qu’elle m’accueillerait bien des années plus tard.
Père au volant, mère cocotte-minute sous les pieds.
Petit à petit, j’avance….
Couette froide, puis chaude, couette refuge, refuge de lectures, de calins, d’amours.
Petit à petit, j’avance…
La canopée, cimes invisibles, trop hautes pour être aperçues. Des fourmis à manger. Ou pas !
Du vert. Là, fort ! Des arbres morts. Morts, pas tout à fait. Repousses, lianes s’envolent à la recherche de la lumière.
Petit à petit, j’avance…
Toit du monde, mer de nuages, essoufflement, apprentissage de la lenteur, accepter la lenteur…
Petit à petit, j’avance…
Bief de l’Ouche, martin-pêcheur, éclair bleu au-dessus de l’eau,
Maison, les pieds dans l’eau. Un enfant dans une chaise haute, une cuisine aux placards bleus. Un enfant dans une cuisine vieillotte, de la purée carotte recouvre son visage…
Petit à petit, j’avance…
Un sapin de Noël, un sapin fait de guirlandes punaisées sur le mur. Un enfant regarde. La guirlande clignote. L’enfant regarde les yeux écarquillés.
Petit à petit, j’avance…
Sentier étroit au cœur de la roche. L’enfant rechigne, rouspète, trépigne. Encouragements maternels, gorgée d’eau, friandise sucrée.
Pas à pas, lentement…
Le paysage s’ouvre, chaines de montagne à 360 degrés, sac à dos ouverts, salade colorée préparée le matin gaiement, chocolat et melon à partager.
Petit à petit, j’avance…
J’avance, sentier des douaniers, odeur de bruyère, vue sur la mer, rochers ronds imposants, lisses, polis par la mer…
J’avance, salon de Marie, calme, apaisant, 1000 pièces de puzzle nous défient…
J’avance, baignade dans le bief, eau fraiche, aulnes protecteurs, papotage complice de copines…
J’avance, anémone pulsatile, orchis bouc, genévrier, cornouiller aux frêles fleurs jaunes, aux rouges cornouilles, aux feuilles magiques.
J’avance, là, tout de suite, maintenant….
Cécile A
« Entre deux battements de paupières »
Mélina attend à l’arrêt de bus avec la petite Espérance qui serre son nounours, pour seul bagage un sac de courses recyclable où elle a jeté à la hâte ce qui reste de leurs espoirs.
Elle s’assit sur le banc, sa fille dans ses bras et cale sa tête bleuie et douloureuse contre le mur. Attendre…
Entre deux battements de paupières
Elle s’évade se voit à 5 ans assise sur la marche de l’escalier en bas de l’immeuble, attendant sa mère. Elle se sent seule, angoissée. Maman pourquoi tu travailles toujours ? Maman viens !
Attendre ...
Entre deux battements de paupières
Elle a 7 ans, c’est elle ou sa fille ? Qu’est-ce qu’elle lui ressemble !
Elle est dans sa chambre, c’est le réveillon de Noël, les parents l’ont couchée tôt mais elle ne dort pas, trop excitée ! Le Père Noël va t il lui apporter la belle poupée qu’elle avait vue dans le magasin ?
Attendre ...
Entre deux battements de paupières
Elle a 10 ans, elle est en vacances aux Ménuires à la montagne. La beauté des paysages est à couper le souffle. Des montagnes verdoyantes et des lacs d’un bleu magnétique. Elle a beaucoup marché. Elle a faim. Ce n’est pas encore l’heure du pique-nique.
Attendre ...
Entre deux battements de paupières
Elle a 16 ans. Elle est dans la chambre de sa meilleure amie et confidente, Elsa. Elle lui raconte qu’elle est persuadée que sa mère ne l’aime pas. Quant à son père elle n’en sait rien…C’est de sa mère qu’elle voudrait être aimée.
Pourquoi dis-tu ça ? c’est obligé que sa mère aime son enfant. Moi ma mère me fait des bisous tout le temps. Justement moi la mienne ne m’en fait pas, elle ne sait pas en faire je crois.
C’est pas de sa faute vraiment alors dit Elsa.
Tu sais quoi Elsa ? Quand je serai grande, j’aurai une fille je la couvrirai de bisous et elle rira beaucoup.
Attendre ...
Entre deux battements de paupières
26 ans. À la maternité, le miracle tant attendu est arrivé : la naissance d’Espérance. Quelle rencontre ! Cette image est indélébile, à jamais gravée en elle ! Ses grands yeux magnifiques d’un bleu magnétique plongés dans les siens, sa bouche ouverte avide de vie ! Elle et sa fille, une évidence, comme si elles se connaissaient déjà ! Quelle récompense unique après 9 mois d’attente !
Entre deux battements de paupières
27 ans, Saint-Malo, Espérance fait ses premiers pas dans l’appartement loué pour les vacances. Son papa est fier et joyeux. Mais ça ne dure pas longtemps. Il s’impatiente vite. Il faut lui expliquer qu’il est normal qu’on s’occupe plus de l’enfant que de lui. Que oui un enfant fait des caprices mais qu’avec de l’amour et de la patience ça passe. L’enfant se construit à son rythme.
Attendre...
Entre deux battements de paupières
30 ans, tout se fracasse, la crise de couple est là, la violence ne se fait pas attendre. Il faut fuir, vite, très vite avant de ne plus pouvoir. Ne plus attendre !
Le bus est là. Mélina et Espérance s’y engouffrent. Direction la vie meilleure qu’elles méritent.
Elisabeth