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Peurs

Les textes écrits lors de l'atelier d'écriture créative du
lundi 23 janvier

Avec l'Atheneum, centre culturel de l'Université de Bourgogne

où il est question de fabriquer de la peur, sous les conseils des plus grands : Lovecraft, Maupassant, Ann Radcliffe, Shirley Jackson, Mary Higgins - Clark ou Stephen King ...

Même pas peur

 

 

Même pas peur

Même pas crier

Même pas bouger

Même pas respirer

Même pas penser

 

Blotti sous la table, j’attends la soupe

Lasse comme chaque soir, ma mère prépare le bouillon, plat unique qui mijote longuement sur le poêle qui ronfle à présent, après avoir beaucoup fumé

Dans la marmite, un bout de gras, des patates et une queue de poireau, et du thym de l’été passé

Ça bout

Ça sent le chaud

Ça sent bon

 

Mais ce soir, ma mère, comme absente, est là sans être là ; elle fait tout au ralenti, pas de refrains sur ses lèvres

D’ailleurs, m’a-t-elle embrassé, moi son bonhomme, en rentrant de sa journée harassante chez Madame,  la voisine…

J’ai bien entendu tous les bruits de chaque jour, mais c’est pas pareil aujourd’hui

 

J’ai faim, j’ai froid maintenant

Ma mère a attisé le foyer, sans succès

Le poêle ne ronfle plus

Le bouillon ne bout plus,

Elle s’est assise sur une chaise basse, le pique-feu à la main.

Elle racle le fond de sa gorge une fois et je crois qu’elle m’appelle

Mais non, elle m’a oublié

Elle tremble maintenant, tousse plusieurs fois

Ses chairs lourdes sont secouées de spasmes

Elle s’affaisse sur le côté, sa tête rebondit sur le sol

 

Je me glisse aussitôt vers elle

Même plus peur

Je me réchauffe contre elle

Même plus bouger

Je m’endors avec elle

Même plus penser.

Mireille Barrelle

Nous habitions la dernière rue du village qui débouchait sur un chemin de terre menant dans les collines. Et dans cette rue se trouvaient une étable et une maison d’habitation : la nôtre.

 

C’était l’hiver, j’arrivais toujours la première, vers 17h30, dans la nuit déjà sombre. J’avais toute une portion à parcourir dans le noir complet sans lampadaire municipal ; je courrais toujours sur ces quelques mètres, sentant mon cartable trop lourd meurtrir mes épaules.

Une fois passée le portail, je devais entrer par le sous-sol qui représentait pour moi l’endroit le moins sécure au monde, même la maison de Psychose m’effrayait moins. De la même façon que dans la rue, je le traversais en courant, les yeux à peine ouverts, et je montais à toute hâte les escaliers. Je refermais la porte derrière moi dans un grand soulagement et pouvais enfin me débarrasser de ce cartable si encombrant.

 

Chaque soir j’allumais toutes les lumières et la télévision même si aucun programme ne m’intéressait particulièrement, pour ne pas entendre un quelconque bruit extérieur.

J’en ignore encore la raison, mais c’est quand on ne veut pas entendre quelque chose qu’on l’entend, malgré les rires enregistrés de la sitcom du moment, comme si nos sens à l’affût étaient décuplés.

Je l’entendis ce bruit, bruit que je n’arrivais pas à reconnaitre, ni à décrire. Des sortes de grincements, de couinements, de tiraillement, des sons jamais entendus auparavant.

Je baissai la télé, ça venait du sous-sol ; impossible évidemment de descendre, mais je m’assurai que la porte était bien fermée à clé. Je remontai le son de la télé, très fort, me blottis dans un coin en essayant de ne plus écouter, mais rien n’y faisait, je n’entendais que ce chahut en bas. L’angoisse était si lourde que j’avais l’impression d’avoir toujours mon cartable sur le dos.

 

Je ne sais pas combien de temps je suis restée ainsi, combien d’heures étaient passées lorsque j’entendis cogner fort dans la porte. Je mis un moment à comprendre que c’était mon père qui était coincé dans l’escalier. Je vérifiais : 

« - C’est toi papa ? 

  • Ba oui, qui veux-tu que ce soit, ouvre ! »

Il me trouva affolée, je lui demandai s’il avait vu quelqu’un au sous-sol, lui expliquai très vite les bruits que j’entendais depuis des heures, et le suppliai d’aller voir.

 

Il me cria du bas « y’a rien, arrête d’avoir peur de ce sous-sol », il allait remonter quand on entendit, lui et moi cette fois, ce bruit indéfinissable. Je me suis mise à hurler, me planquai dans ma chambre, et criai « Remonte papa ! Vite ! »

Je le vis un instant plus tard sur le seuil de ma porte, et sourire aux lèvres il m’annonça « C’est une poule ! »

La poule avait dû s’échapper de la ferme voisine et avait trouvé refuge chez nous, mais la pauvre était aussi apeurée que moi.

Une fois en confiance, elle se laissa approcher, et quand mon père voulu la ramener d’où elle venait, je le suppliai cette fois-ci de garder cette si jolie poule.

 

                                                                                                                                  Véka

After

J’avais bu dans un bar de buveur.euses, et je marchais maintenant sur la route zigzagante, entre le bar et mon lit. Il faisait très noir. De temps en temps, des personnes passaient sur mon chemin, pareilles à moi, semblant fatiguées.

Elle me semblait longue, cette route, longue interminablement.

Et puis j’ai rencontré quelqu’un, un ami, avec qui j’ai parlé, devant un autre bar de buveur.euses. Il a fini par me dire « tiens, le bar va fermer, rentre vite avant qu’il puisse t’arriver quelque chose ».

Seulement quelques pas, peut-être 500m, me séparaient de mon lit. Entre l’alcoolémie et la fatigue, ils m’ont parus très longs ces 500m.

Enfin arrivée, je sors mes clés et je commence à ouvrir la porte de l’immeuble (parce que mon lit est dans un immeuble).

 

Tout à coup, un homme se colle à moi et, à quelques centimètres de mon visage seulement, me dit : « After chez toi ». Ce à quoi je réponds « Non merci ». Il insiste et m’impose « Je vais aller acheter de l’alcool ». Ce à quoi je réponds « Vas acheter de l’alcool et reviens après alors », croyant pouvoir m’en débarrasser. « Non non, je pose mes affaires et j’irai après ».

La porte déjà ouverte, la rue déserte et cet inconnu très intrusif. Ma fatigue, couplée à mon taux d’alcoolémie assurément élevé. Je tente de me faufiler dans le couloir de l’immeuble sans lui, mais il est collé à moi.

Mon cerveau fuse. Je suis seule avec un homme qui fait tout pour ne pas me lâcher et qui, dès le départ m’a figée. Je me demande si mon voisin est chez lui, je pourrais prétexter que c’est mon mec. Mais je n’en ai aucune idée. J’essaie d’appeler toutes les personnes du quartier que je connais et que je pense être réveillées à cette heure avancée.

Peut-il être violent si je m’oppose trop franchement ? J’essaie de ne pas montrer que je suis terrifiée. Mais mon corps tremble. Je n’arrive pas à me défaire de cet homme suit le moindre de mes gestes. Prise au piège, je me dis que quand je grimperais les marches, peut-être que quelqu’un.e me répondra enfin.

En vain.

Ma porte tente de se refermer, mais trop tard, il est entré.

Anouk

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