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AU FIL DU PROGRAMME

Zaman contre sans toi

Avec l'Atheneum, centre culturel de l'Université de Bourgogne

Les textes écrits lors de l'atelier d'écriture créative
du 8 décembre 2021

où l'on écrit à partir de chansons populaires...

13h35 à l’arrêt de tram. Vite qu’il arrive, j’ai peur d’être en retard. Comme toujours d’ailleurs, du coup je suis toujours en avance. On est peu à l’arrêt. J’entends derrière moi un « salut ma puce ». Voix inconnue mais je me retourne quand même. Une femme bien beurrée, sa cannette à la main, me fixe. Je me retourne à nouveau sans lui répondre. Elle s’approche et réitère : « salut la belle ». Je reste stoïque, elle commence à me faire chier. « Oh tu réponds ?! » Cette fois, je réagis : « J’ai pas envie de parler ». Erreur de ma part, j’aurais mieux fait d’avoir envie : « Ecoute-moi bien grosse salope, tu vas pas rentrer chez toi ». Ça y est, elle me fait sévèrement chier. Je l’interroge : « Pardon ? C’est quoi ces menaces ? ». Elle s’éloigne, titubant, en m’insultant. 3 mètres plus loin je l’entends encore.

Voilà, moi j’étais en forme, j’allais juste tranquillement au boulot. Plus j’y pense, plus je remarque qu’en ce moment les gens me font chier, profondément. Un air me vient en tête : Le monde est trop p’tit / Qu’est-ce qu’on s’emmerde !

 Je monte enfin dans le tram, je n’ai plus tous les mots. Qu’est-ce qu’on est con / Quand on est con on est. Encore bondé le tram. Fais chier. Deux mecs courent pour ne pas le louper, j’ai pas réussi à esquiver le coup de coude. Qu’est-ce qu’on se fait chier ! / Ça vit au garantie / Qu’est-ce qu’on s’emmerde ! Ce con n’arrête pas de mettre et d’enlever sa main de sa poche, à chaque fois j’y ai le droit, à son coude ! C’est un métier j’te dis / Qu’est-ce qu’on est con / Con con con / Qu’est-ce qu’on / Qu’est-ce qu’on / On est dedans / Tant qu’on est dedans on est. Ouf, enfin sortie ! Encore 10 minutes de marche et je devrais être tranquille un moment. Le gamin est souriant et commence à me connaître. On s’fout du temps / Temps temps / On est des mutants. 

Ah oui, décidément ce sourire quand j’arrive ! Avec ses grands yeux bleus écarquillés sur le monde. Six mois et si beau déjà ! Je laisse tout le laid dehors. Quand on est con on est / On est content / Tant qu’on est content on est / Alors on se grattouille / On se tripatouille / On s’fout du quart / Car car / On est des veinards.  On joue, il mange, on joue. Ah tiens, l’odeur ! Et ses yeux commencent à fatiguer. Vite, la couche, pour vite le coucher avant qu’il ne fatigue trop. Oh non, y’en a bien trop ! Ça déborde, il se tortille, met ses pieds en plein dedans, se tortille, m’en tartine le tee-shirt, puis la ceinture, puis le pantalon ! J’essaye de me dépatouiller mais il gigotte dans tous les sens. Il a même réussi à s’en mettre sur l’épaule ! Le monde est trop p’tit / Qu’est-ce qu’on s’emmerde ! J’ai plus d’appétit. / Qu’est-ce qu’on se fait chier ! / Ça vit au garantie / Qu’est-ce qu’on s’emmerde ! 

Anouk

Ecoute-moi camarade, je vais te conter l’histoire de l’aventurier. Vois-tu, je me retrouvais face à la mer, tu sais, celle que l’on voit depuis la rue des Acacias, quand soudain, j’ai aperçu trois Cavaliers pourfendant la mer et l’écume. Ils ont traversé la jetée avant de disparaître, tel le spectre de la rose qui s’efface avec le jour. Je n’y prêtais pas attention, trop absorbé par la surface marine qui brillait au soleil. Et puis, l’heure venue, je me suis relevé, et je me suis lentement mis en marche, direction la rue Kétanou, où se trouve la maison où j’ai grandi. Je n’avais pas quitté la plage, déjà abandonnée quand soudain, un homme pressé me percuta de plein fouet. Fort agacé par ce comportement brutal, je lui conseillais de regarder devant lui la prochaine fois, mais le rustre ne me répondit point et poursuivi sa course. « Tous les mêmes, y en a marre », ai-je marmonné. Epoussetant mon pull marine et mon jean bleu, je repris ma route.

C’est en tournant sur l’avenue, à l’angle du café des délices, que j’ai retrouvé l’hurluberlu. Il avait l’air stressé et semblait chercher quelqu’un ou quelque chose. En pleine conversation avec le boulanger, ils ne m’ont pas entendu arriver. Le commerçant secouait la tête l’air de dire « Dommage », puis il est retourné dans sa boutique, laissant tout seul et perdu, mon homme pressé, aussi à son aise sur le pas de la porte qu’un démon de minuit sur le parking des anges. Comme je n’étais point de méchante humeur, je suis allé interroger l’inconnu. Il semblait avoir oublié l’incident de ce matin, pourtant si « tranquille et serein ».

« Ah monsieur, c’est que cela n’est pas si facile, je suis un homme malheureux, je suis toujours à partir dans toutes les directions, de la montagne à Bruxelles en passant par le sunlight des tropiques, et à cause de cela, la femme que j’aimais, mon paradis, elle s’est enfuie. Disparue. Elle ne supporte pas quand je pars pendant 24h sans donner de nouvelles. Depuis, je la cherche partout, et c’est ici, paraît-il, au « village des People », que Carmen aurait élu domicile. Mais plus personne ne l’a revue, et pourtant, hier encore, elle était là. Je ne sais plus quoi faire.

- Eh mon ami, lui répondis-je, il se trouve par hasard que je connais cette femme, c’est une grenade, elle ne tient pas en place, elle souffle le chaud et le froid comme un boomerang et puis te laisse comme assommé avant de s’enfuir. Crois-moi, si tu es sage, ne renonce pas à tes voyages, voyages si précieux, à cette liberté que tu as et qui te sera plus fidèle. Tu le sais, nous avons des rêves, des envies d’aimer bien sûr, des envies d’ailleurs et un jour, une femme débarque et tu dois choisir. Crois-moi mon ami, laisse-la partir et cours retrouver les plages, les plaines, sois libre. »

Ah si tu savais camarade, qu’aurais-tu dis à ma place ? Entre l’amour et la liberté, le choix est diabolique. Qui nous dira quel est le bon chemin ? Enfin, mon aventurier a préféré repartir à la recherche de sa belle, je n’ai pu que lui souhaiter tout le bonheur du monde.

 

Titres des chansons, groupes et références :

- Ecoute-moi camarade, Rachid Taha

- L’Aventurier (x2), Indochine

- Face à la mer, Calogero et Passi

- Rue des Acacias, Marc Lavoine

- Cavalier, Vincent Niclo

- La mer, Charles Trenet

- Le spectre de la rose, Hector Berlioz

- Au soleil, Jenifer

- La rue Kétanou : nom du groupe

- La maison où j’ai grandi, Françoise Hardy

- « La plage déjà abandonnée », inspiration de la phrase « sur la plage abandonnée » extraite de La Madrague, de Brigitte Bardot

- L’homme pressé (x2), Noir Désir

- Tous les mêmes, Stromae

- Pull marine, Isabelle Adjani

- « Jean bleu » (Titre complet Ton jean bleu), Gauvain Sers

- « Café des délices » (Titre complet Au café des délices), Patrick Bruel

- Dommage, Bigflo et Oli

- « Démon de minuit » (Titre complet Les démons de minuit), Emile et Images

- Sur le parking des anges, Marc Lavoine

- « Tranquille et serein », phrase extraite de la chanson Il suffira d’un signe de Jean-Jacques Goldman

- Facile, Camelia Jordana

- Je suis un homme, Zazie

- La montagne, Jean Ferrat

- Bruxelles, Bénabar

- Le Sunlight des Tropiques, Gilbert Montagné

- Paradis, Orelsan

- Disparue, Jean-Pierre Mader

- Pendant 24h, Grand Corps Malade et Suzane

- Village des People : référence au groupe Village People

- Carmen, Bizet

- Hier encore, Brigitte

- « Grenade » (Titre complet La Grenade), Clara Luciani

- Comme un boomerang, Serge Gainsbourg

- Voyage, voyage, Desireless

- « Envies d’aimer » (Titre complet L’Envie d’aimer), Daniel Lévi

- Et un jour une femme, Florent Pagny

- Choisir, Patrick Fiori

- A ma place, Zazie et Axel Bauer

- Belle, Notre-Dame de Paris

- Tout le bonheur de monde, Sinsemilia

Lorette Charlot

L’Equilibre

 

Je suis là, je suis sur la route. Mais qu’est-ce qu’il est long ce trajet. C’est l’autoroute, mes roues défilent, le volant à une main, l’autre accoudée sur la portière. C’est carrément barbant, rien à faire. Je me décide à tripatouiller la radio. Quitte à s’ennuyer, autant le faire en musique ! Puis on va un petit peu pimenter tout ça et choisir une station au hasard ! Wouhou le fond du fun ! Ce qui se passe pourtant, c’est presque cryptique : sans aucune annonce, la musique se lance. Bizarre pour une radio mais pourquoi pas ? Pourtant la musique, je la connais, du Kyo, c’est pas si underground. Les premières notes puis le début du couple… Ma tête bouge en rythme à défaut de pouvoir taper du pied, occupé par mes pédales. Alors que le premier couplet défile, la suite me revient. Et presque soudainement, c’est comme si une lance me transperçait le corps, le clouant au siège, en détachant quelque chose en moi. Mon âme peut-être, ou un fardeau sûrement. Tout devient brumeux, ma vision se floute, mon corps passe en autopilote tandis que mon esprit s’en va naviguer entre les rives. Cette musique, c’est L’Equilibre et ma vie, je peux vous en assurer qu’elle n’en a pas. C’est une tempête, un orage qui intervient alors. La musique le dit bien et, elle envahit ma tête. Sans m’en rendre compte, mes lèvres se meuvent, accompagnant le chanteur. C’est en automatisme que je déclame le second couplet, puis la dernière phrase, je la prends de plein fouet : « Est-ce que c’est bien la fin de notre histoire ? » Je suis comme percutée. Oui, c’est bien la fin de cette histoire, tu le sais Lisa. Passe à autre chose. Et puis il commence à pleuvoir dans la voiture. Sur mon visage surtout, de la pluie d’yeux. Et la voix continue, en chœur avec la musique : « Et on me dit qu’il va bien et qu’il a refait sa vie. » Mais moi je ne vais pas bien, moi je n’ai pas refait ma vie. Je crie la suite des paroles pour couvrir le son de cette voix, celle du chanteur alors que, comme une idiote, je termine juste son couplet. La lance se retire, le fardeau réintègre mon corps et mon esprit a rejoint la Terre. Ma vision devient nette et le silence m’accable. Je vois ma main, posée sur la radio. Mon corps venait de stopper le calvaire, un réflex de survie primaire. Et comme si de rien était, j’essuie mes larmes et l’ennui reprend. Il est vraiment long ce trajet.

Noémie Durville

Le soir, alors que je rentre tard d’une journée de travail et avant de partir pour le restaurant que j’ai réservé à midi trente pour être sûr d’avoir une place au balcon, je m’assois dans mon fauteuil avec un verre de rhum et je mets la dernière chanson de Bashung : Il voyage en solitaire.

Ce titre est la dernière piste de l’album Bleu pétrole, sorti en 2008. C’est une reprise de la chanson éponyme de Gérard Manset, sortie en 1975. Je ne suis pas fan des chansons de Bashung écrites par ses paroliers habituels. Trop de sous texte et pas assez de lisibilité, même si ça sonne toujours bien. Dans cette reprise de Manset, Bashung a su de manière magistrale donner une note finale à sa carrière. Le tempo crépusculaire et l’histoire de cet homme sont superbement soulignés par les guitares qui crient sans jamais cacher la voix d’Alain. J’ai toujours la sensation que sur ce titre, il ne mentait pas.

Je m’enfonce confortablement dans mon fauteuil, alors qu’il chante « qu’il est seul un jour, l’amour l’a quitté, s’en est allé faire un tour de l’autre côté, d’une ville où y’avait pas de place pour se garer ».
Tandis que je reprends une gorgée de mon rhum ambré de 20 ans et qu’il caresse mon œsophage, je me sens en fusion avec la voix de Bashung, comme s’il n’y avait plus rien d’autre dans ce monde. Il réussit ce tour de force que ni Gérard Manset, ni Florent Pagny qui a de manière très désagréable massacré ce titre en 1991… Il réussit ce tour de force de rendre la mélancolie heureuse.

Et lorsqu’il chante le dernier couplet : « et voilà le miracle en somme, c’est lorsque la chanson est bonne, car c’est pour la joie qu’elle lui donne, qu’il chante la terre », je me sens parfaitement détendu, comme après une séance de deux heures de Qi gong. Comment réussit-il ce miracle ? C’est la magie de Bashung, de sa musique et de la reprise de ce titre, qui dans ce moment où il se savait mourant du cancer, fait de ce titre mon bijou.

Dans une demi heure, je prendrai une ligne de coke dans les toilettes du restaurant. La soirée s’annonce bien.

Nicdasse

En chansons

 

Gabriel chanta La Marseillaise

Dans la salle, tout le monde se tût, mais au moment du refrain, les clients entonnèrent Les copains d'abord ; c'était plus intéressant

Et c'était pour ça qu'ils se retrouvaient tous ici, dans le bistrot où elle essuie les verres au fond du café et elle aime les entendre, elle aime leurs élans, leurs voix souvent insolentes et railleuses.

Elle aime aussi les après-midi, lorsqu'ils sont tous au boulot.

La salle s'est vidée,

Le silence règne.

Elle écoute alors Gréco, Déshabillez-moi, cette chanson où l'artiste évoque une relation  qu'elle  entend programmer, avec douceur et précision, voire fermeté. Ils dormiront ensemble, oui, mais à son rythme.

Elle écoute aussi Barbara, en boucle, la rêverie, le tumulte de ses sensations l'emportent chaque fois.

Elle ne voit pas passer le temps

Heureusement qu'un client arrive parfois afin qu'elle revienne à la réalité,

 

Hier, Monsieur X chantonna, je crois, un air de Brel,

Les Bigottes, puis Sur le port d'Amsterdam

Les rythmes forts, appuyés lui sont restés en tête toute la soirée, et encore couchée, son corps vibrait en sourdine

Le beau Danube bleu, dont le rythme parfois l'envahit, n'avait pas droit de cité, et c'est tant mieux,

 

Le lendemain, c'était congé

Une journée au grand air

Sur la grande jetée des Sables d'Olonne, elle marche seule.

Marée montante

Vous savez quoi ?

Il lui est revenu, elle ne sait plus quel air, mais c'était du Brel, sûr !

Et la voilà de nouveau prise dans le tourbillon d'une valse, une valse entêtante, d'une valse à mille temps, à mille reprises

 

Au bout de la jetée, le vent forcit ; il lui fallut courir pour éviter la pluie et les rafales de vent.

Les bourrasques l'ont enfin libérée de ces refrains qui, l'air de rien, l'avaient séduite puis hantée.

M d'Arbrelle

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